« Profilage racial : ne portez pas en appel la décision de la Cour »

Par claude Bricault, 9 novembre 2022

Deux conférences ont eu lieu la semaine dernière à Saint-Michel afin de souligner l’importance du jugement prononcé par le juge Yergeau, rendant inopérant l’article 636 du Code de la sécurité routière qui permet les interpellations policières sans motif valable d’une personne conduisant un véhicule. Mais également afin de demander au Premier ministre François Legault de ne pas porter la décision de la Cour en appel.

Station CPAM

La première s’est tenue dans les locaux de la station CPAM. Elle réunissait plusieurs experts en matière de justice et intervenants communautaires montréalais œuvrant auprès des familles.

Selon le député de Viau Frantz Benjamin, présent lors de cet événement, «Ce jugement fera jurisprudence sur les interpellations aléatoires et la lutte nécessaire au profilage racial qui est une pratique discriminatoire et qui doit cesser. Comme ancien coprésident du Groupe de travail sur le profilage racial à Montréal en 2003 et ex-président du Conseil interculturel de Montréal de 2005 à 2008, j’ai reçu les témoignages de dizaines de victimes de profilage et j’ai pu mesurer les impacts multiples de cette pratique dans leur vie. Ce jugement, à mon sens, est un pas en avant et ne doit pas être perçu comme un désaveu du travail policier mais plutôt un rappel de la justice à mieux encadrer les interpellations aléatoires afin d’éviter de sombrer dans un traitement inéquitable d’une portion de la population».  

Maison d’Haïti

La deuxième conférence a eu lieu à la Maison d’Haïti, Andrés Fontecilla, porte-parole de Québec solidaire en matière de sécurité publique et de lutte contre le racisme, a tenu cette dernière afin d’interpeller le Premier ministre du Québec, François Legault, pour lui demander de ne pas porter en appel la récente décision de la Cour supérieure. « Aujourd’hui, il a l’opportunité de montrer qu’il est disposé à agir de la façon la plus concrète contre le profilage racial », a déclaré M. Fontecilla.

Appuis du milieu

Le député solidaire était accompagné de plusieurs intervenants du milieu, Marjorie Villefranche, directrice générale de la Maison d’Haïti, Lesly Blot, victime du profilage racial et témoin dans le procès du juge Yergeau, Victor Armony, chercheur et professeur ainsi que Fo Niemi, co-fondateur du Centre de recherche-action sur les relations raciales (CRARR).

 « Je salue le courage de Jean Christopher Luamba, jeune homme à l’origine du recours qui a mené à la décision de la cour. Je salue sa ténacité qui a réussi à redonner espoir en la justice à nos communautés. Je félicite le juge Yergeau pour la justesse de son analyse du profilage racial qu’il dit imprimé dans nos cœurs et nos esprits » — Marjorie Villefranche, directrice générale de la Maison d’Haïti.

Cinq fois plus de chances d’être interpellées

Rappelons qu’à Montréal, les personnes autochtones et noires ont entre quatre et cinq fois plus de chances d’être interpellées, par rapport aux personnes blanches, selon une étude menée pour le compte du SPVM par Victor Armony, Mariam Hassaoui et Massimiliano Mulone en 2019. 

 « Pour être vraiment efficace dans la lutte contre la criminalité, la police doit pouvoir compter sur la confiance de la population qu’elle dessert. Et cette confiance est érodée quand on peut avoir l’impression que ses interventions ne sont pas toujours fondées sur une pratique neutre et équitable d’un point de vue procédural », a mentionné Victor Armony. 

 

Fo Niemi, co-fondateur du Centre de recherche-action sur les relations raciales (CRARR), Marjorie Villefranche, directrice générale de la Maison d’Haïti,  Andrés Fontecilla, porte-parole de Québec solidaire en matière de sécurité publique et de lutte contre le racisme, Lesly Blot, victime du profilage racial et témoin dans le procès du juge Yergeau, et Victor Armony, chercheur et professeur.